« La poésie est ma respiration » aimait répéter Émilienne Kerhoas, et elle ajoutait aussitôt : « c'est une question de survie ». Près d'un siècle après sa naissance, il manquait à cette personnalité splendide et singulière, mais discrète dans le paysage des lettres bretonnes, un ouvrage retraçant son parcours. Et mieux qu'une biographie académique - qui reste encore à écrire -, l'écrivain Alain-Gabriel Monot et la photographe Aïcha Dupoy de Guitard proposent ici un dialogue sur les hauts lieux de son itinérance. Ou plutôt, devrais-je dire, une fugue à trois voix, tant les poèmes d'Émilienne apportent à ce fécond dialogue, leur rythme et leur souffle, de telle sorte que l'oeuvre nous soit restituée dans son altérité dynamique.
Cette « guetteuse tranquille », qui n'est pas sans rappeler Andrée Chedid, avait la passion de l'aventure humaine et de tout ce qui ouvre à l'Autre et aux rencontres. Elle avait choisi d'être à la « confluence » des visages, des couleurs et des routes. Sa vocation : se laisser traverser par la vie et nommer les fils intérieurs qui peuvent la transformer. Mais comment mettre de l'ordre dans ces multiples événements qui nous touchent, qu'ils soient heureux ou malheureux, qu'ils procurent de la joie ou de la douleur, qu'ils mènent à l'insouciance ou au doute ? Par la patience et « l'acceptation lucide de ce qui arrive » aurait-elle sans doute répondu. Par la capacité à davantage « relier les signes que nous font les êtres et les choses ». Ainsi dans le grand livre de la Nature - au passage du bleu -, elle aura su relier le visible à l'invisible, là où les chemins sensibles aiment à se cacher.
Yves Guillemot
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