Le présent ouvrage réunit les contributions de spécialistes universitaires, aussi bien
nord-américains qu'européens, en une synthèse agrémentée de diverses cartes et
illustrations, qui voudrait présenter au grand public les différentes facettes de cette
page d'histoire remarquable, mais trop souvent oubliée, du Nord-est de la Rous'
médiévale. Du XIIe au XVe siècles, Novgorod-la-Grande, dont le territoire s'étendait
jusqu'à la mer Blanche et à l'Oural, était au carrefour des mondes scandinave,
occidental, mongol et byzantin. Elle traitait quasiment d'égal à égal avec les puissances
commerciales et politiques de son temps. Elle fut à la fois un important
foyer culturel, artistique aussi bien qu'économique, un incontournable comptoir de
la Hanse, et un centre dont les produits (fourrures, cire...) étaient diffusés dans
toute l'Europe. De nombreux monastères marquèrent la cité de leur empreinte et
les arts virent fleurir une école d'icônes, une tradition musicale propre, un genre
particulier d'épopée : les bylines, notamment celle du négociant Sadko, joueur de
gousli auprès du roi des mers.
Pendant les trois siècles que dura son rayonnement, la ville connut un régime
républicain original, formé par un gouvernement mixte associant les boyards aux
assemblées populaires, sans le soutien duquel le prince ne pouvait prendre aucune
mesure importante. Elle se dota même, par la suite, d'un organe d'État représentatif
indépendant, le vetché, qui choisissait et révoquait son prince, désignait
son archevêque : un système de contre-pouvoirs, appuyé sur une diplomatie qui
pratiquait une politique de bascule, dans le souci de préserver l'indépendance de
la cité, d'assurer sa prospérité, de favoriser son rayonnement. Suscitant pourtant
la convoitise de ses voisins (chevaliers teutoniques, Suédois, Lituaniens et principautés
russes alentour), elle fut finalement conquise par la Moscovie en 1478.
Que reste-t-il aujourd'hui de cette page originale et méconnue de l'histoire européenne
? La démocratie est parfois présentée comme source de désordre et
d'anarchie, si bien qu'une certaine école laisse entendre qu'elle ne serait pas
adaptée à la Russie, censée devoir être gouvernée d'une main de fer. Au contraire,
le livre tend à montrer, à travers son approche plurielle et décentralisée, que les
Russes ont connu une expérience prolongée de la démocratie, qui mérite d'être
largement valorisée auprès du grand public. Et ce livre de suggérer que, cette histoire,
si elle n'était plus oubliée, pourrait peut-être permettre un jour à la Russie de
se tourner à nouveau vers Novgorod.
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