À qui l'aborde pour la première fois, l'oeuvre de Céline paraîtra foisonnante,
décousue, voire «débraillée», à la ressemblance de l'auteur lui-même,
dans ses dernières années, à Meudon : le clochard prophète de l'Apocalypse !
Mais à la lire et relire, on découvre qu'il en est peu qui soient aussi construites
et finement élaborées que celle-là. Au fil de ses livres, pamphlets compris,
Céline tisse sans fin un réseau de thèmes obsédants qui se croisent de mille
façons pour former une oeuvre complexe, à la manière de ces dentelles dont
il rappelle toujours le souvenir, tant elles ont marqué son imaginaire, depuis
son enfance, passage Choiseul, où sa mère en faisait commerce : «Dentelle
et guipure à la main.» Le coeur de ce réseau, noyau central d'où tout rayonne,
c'est la Mort, rencontrée dans sa pire violence sur les champs de bataille de
Flandre en 1914. Depuis, disait-il, «je l'ai constamment à mes côtés», et
il en décline toutes les facettes imaginables, des plus sinistres aux plus éclatantes,
des plus charnelles aux plus féeriquement désincarnées. C'est cette
dentelle de la Mort que ce livre s'emploie patiemment à démonter, tentant
de suivre chaque fil pour voir comment il se noue aux autres et comprendre
comment est faite cette toile à la fois si crue et si aérée où l'homme, d'un
même mouvement et à l'instar de Ferdinand dans Mort à crédit s'«écrabouille
dans la lumière et la bidoche».
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