Si le souverain est celui qui décide de l'exception (Carl Schmitt), que sa
décision se situe dans l'ordre du vraisemblable extraordinaire, et que d'une
manière générale sa majesté relève du miracle politique, il nous a semblé
intéressant de rassembler un groupe de chercheurs pour discuter d'une notion
herméneutique formulée de manière paradoxale : l'invraisemblance du pouvoir.
Et ce d'autant plus que l'exception politique se révèle aussi dans ses excès
et ses faillites, lorsque la décision du souverain est injustifiable, tenant alors
de la tyrannie, ou bien lorsqu'elle échoue dans ses effets. C'est là, peut-être,
une manière stratégique de comprendre le pouvoir, car la raison d'État est
souvent invisible, non pas tant parce qu'elle se dissimule dans le secret des
cabinets, mais parce que l'éclat de la majesté la voile. Lorsqu'elle réussit
dans ses objectifs, elle risque d'échapper à la connaissance et à la raison.
Pour parler des fondements du pouvoir souverain, il convient donc de
s'interroger aux marges représentatives de son autorité pour en découper la
figure à contre-jour.
Les articles de ce volume interrogent la fiction, que ce soit celle de la tragédie
historique (C. Biet, J. Lyons, B. Louvat-Molozay, D. Conroy, R. Heyndels),
des relations d'entrée royale (M.-F. Wagner), du roman héroïque ou comique
(D. Vaillancourt), dans son rapport à la vérité, et répondent à la question
suivante : comment rendre vraisemblable, possible et croyable l'invraisemblance
du pouvoir ? Les lectures proposées par ces auteurs exposent de diverses
manières des fictions qui "paraissent difformes à la Raison". Ces lectures
montrent aussi qu'il existe une raison du politique qui autorise le pouvoir à
s'écarter de la vérité ou, au contraire, à exhiber, voire à constituer, cette vérité
puisque, comme le rappelle Boileau, "le vrai peut quelquefois n'être pas
vraisemblable".
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