Ubi papa, ibi Roma : Rome peut bien n'être pas dans Rome puisque Rome est là où
réside le pape. Cet adage du XIIIe siècle exprime avec force le rapport d'identification
entre la ville et le souverain, définissant la capitale par sa fonction de commandement
politique. Mais elle s'applique à une capitale étrange au Moyen Âge, qui se rêvait caput
mundi mais peinait à s'affirmer comme capitale régionale.
Qu'est-ce donc qu'une ville capitale au Moyen Âge ? Au-delà des fausses évidences
de la continuité millénaire de la centralisation parisienne et, dans une moindre
mesure, londonienne, la question est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Certes, le
modèle romain de la capitale d'empire a pu se prolonger sous des formes diverses,
avec Constantinople, Bagdad ou Le Caire. Mais lorsque les Carolingiens rétablissent
l'empire en 800, ils ne retrouvent pas pour autant ce modèle de la capitale d'empire.
Si l'on considère l'ensemble des expériences institutionnelles et territoriales de l'Occident
médiéval, c'est bien la dispersion des fonctions capitales qui constitue la règle et leur
concentration l'exception.
En se tenant à Istanbul, à l'invitation de l'Institut français d'études anatoliennes, le
XXXVIe Congrès de la Société des historiens médiévistes de l'Enseignement supérieur
public trouvait un cadre monumental et historique parfaitement adéquat à son
objet d'étude, à mi-chemin entre plusieurs expériences politiques que les différentes
contributions ici rassemblées entendent confronter, en longue durée. Car faire l'histoire
des villes capitales revient à poser la question de la diversité des modèles d'émergence
de l'État : les rapports entre le palais et la ville, mais aussi les phénomènes de déplacement
du centre de gravité des constructions territoriales, d'abandon ou de reprise de capitales,
dessinent plusieurs configurations de pouvoir.
Essentielle est, de ce point de vue, la question des marqueurs symboliques : une ville
réussit à convaincre qu'elle capitalise différentes fonctions de commandement par
des images et des rituels, des mots et des murs, la mobilisation d'une mémoire et la
monumentalisation de leurs lieux. Elle peut continuer à jouer longtemps du prestige
d'une capitalité évanouie. En saisissant l'impact à la fois matériel et idéel de la centralisation
administrative dans la société urbaine, les différentes contributions de ce volume
tentent donc de donner tout son sens à cette expression faussement anodine de «ville
capitale» au Moyen Âge.
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