Salué par Heidegger, Karl Reinhardt fut un philologue
étincelant. Élève de Wilamowitz, il aura allié à l'exigence et
à la rigueur scientifiques la force d'un questionnement inédit
: comment, plongeant ses racines dans la tradition, un
nouvel esprit vient-il à naître et se déployer ?
À travers sa lecture des mythes platoniciens, Reinhardt
nous livre tout à la fois les conflits, les luttes, les tensions
qui traversent la pensée platonicienne et sa puissance inouïe
de refonte, d'unité, d'harmonie. Car au sein même de la
continuité, la rupture s'annonce. S'il est bien l'héritier des
formes anciennes, Platon n'en demeure pas moins celui par
qui la nouvelle âme de l'hellénisme s'épanouit. Le mythe lui-même
n'est plus un mythe du «monde extérieur», c'est un
mythe de l'âme. Et en lui l'esprit vient redonner vie à ce qui
semblait devoir mourir.
La forme mythique, plus que toute autre, révèle la force
avec laquelle les anciens motifs sont pénétrés d'un nouveau
souffle. Elle est pour ainsi dire la solution «vivante»
au problème du sens. Il ne s'agit plus en ce cas de produire
un «conte», d'imaginer la naissance du monde, de l'homme
et des dieux, mais bien de contempler, au moyen de l'image
fidèle, l'effectivité archétypique, l'Idée. Le mythe, «dire
sacré», n'est nullement le signe d'un renoncement. Il n'est
pas davantage l'ennemi du logos. Au-delà du mot, de la
preuve, au-delà même des jeux de pensées présomptueuses,
il rappelle l'âme à sa source originelle, il la fait s'élancer
vers le plus beau des royaumes.
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