La fin du monde aztèque
Au milieu de l'année 1524, dans ce continent baptisé Indes occidentales, inconnu du monde des Européens, mais qui va très vite faire l'objet d'une multitude d'histoires, de relations et autres récits de voyage, douze franciscains arrivent à Mexico au terme d'une marche exténuante de cinq semaines. Deux mondes que tout oppose viennent d'entrer en collision.
La confrontation entre les douze frères et les Mexicains est aussi importante que celle entre Las Casas et Sepúlveda survenue un quart de siècle plus tard à l'occasion de la fameuse controverse de Valladolid. Lors des rencontres de 1524, devant des franciscains intransigeants en position de force, les seigneurs et les prêtres mexicains sommés d'abandonner leurs croyances et leurs rites expriment avec dignité leur désarroi et leur désespoir. Ce face-à-face révèle surtout une incompréhension insurmontable entre le camp chrétien, aveuglé par son obsession évangélisatrice, et des Mexicains exténués par une défaite qui a vu la mort d'une grande partie de leur peuple et, comme ils le déplorent, celle de leurs dieux.
Un manuscrit daté de 1564 conservé par les Archives secrètes du Vatican rapporte les échanges intervenus à cette occasion. Intitulé Colloquios y doctrina christiana, le document représente une trentaine de folios, la moitié en espagnol, l'autre moitié en nahuatl, la langue des Aztèques. Patrick Saurin a réalisé la paléographie et la traduction en français du texte (dans ses deux versions nahuatl et espagnole, pour mettre en regard à la fois les deux points de vue et les deux langues) et en propose un large commentaire, une mise en lumière et l'interrogation d'un impensé de beaucoup de travaux d'historiens de l'ancien Mexique : le bien-fondé de l'évangélisation et son lien à l'entreprise de colonisation.
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