Entre village et tranchées
L'écriture de Poilus ordinaires
Quel français écrivaient les Poilus ordinaires ? Comment leurs lettres conjurent-elles la séparation ? Comment créent-elles l'illusion d'une présence ? Cultivateurs, ouvriers viticoles, artisans, ils ont quitté leur village pour devenir soldats. Depuis les tranchées, un seul moyen pour garder le lien avec leurs proches : l'écriture. Ils en ont appris les rudiments à l'école de la troisième République, mais leurs occupations habituelles ne les confrontaient guère à cette activité. Eux qui, à la maison, parlaient plutôt « patois », s'emparent de cette langue française apprise, et commencent : « Je viens par cette lettre vous faire savoir l'état de ma santée ». Ouvertures civiles, car il faut tenir les formes dans un quotidien boueux, où la civilisation perd pied. Orthographe variable : les soucis de norme paraissent ici dérisoires.
Ce livre invite à découvrir les écrits laissés par des témoins modestes de la Première Guerre mondiale. Il donne à lire, dans leur transcription fidèle mais aussi dans une version orthographiée, trois correspondances de familles rurales, deux languedociennes, une bressane. Pas de grands récits héroïques, dans ces lettres. Certaines demandes - une paire de gants, de l'ail pour frotter le pain - laissent deviner la détresse matérielle des tranchées. Les femmes restées au village n'ont garde de se plaindre. Chez tous, un même souci de ménager l'autre. Et ce sentiment qu'un Poilu languedocien nomme la « languitude », et que la lettre permet, un moment, de « lever ». Dans la tragédie de la Grande Guerre, l'écriture ouvre, entre village et tranchées, une échappée de tendresse.
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