Il faut miser pour voir. Savoir jouer, ruser, cacher, mais aussi
dévoiler son jeu, s'attendre à perdre, à gagner, réfléchir, avoir des
coups de tête, de la chance, se recueillir, tout dépenser.
Ne pas retenir quelques mots bien au chaud pour l'hiver, dans
son bas de laine pour les temps de disette. Tout dépenser. Il faut à
chaque fois écrire toutes voiles dehors, au risque de se trouver fort
dépourvu quand la bise n'est pas venue.
Je ne connais rien de plus difficile que ces commandes d'un «petit
texte» pour une exposition de peinture, le travail d'un sculpteur.
Car jamais de moi-même je n'irais me fourrer dans pareil pétrin
(encore qu'il est tentant de mettre ses mains dans la pâte qui
finira par s'échauffer et lever, mais c'est une autre histoire). Il
s'agit qu'on m'invite à jouer, et si le jeu est engageant, je ne peux
m'empêcher de dire chiche et de jouer à perdre haleine, me fiant
à l'excitation, à l'emportement, et croisant les doigts pour qu'à la
fin je puisse enlever le bandeau que j'ai sur les yeux et reconnaître
ce que j'ai cru toucher.
Maryline Desbiolles
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