Doit-on disqualifier le bon sens ? Les intellectuels autoproclamés
l'affirment. D'Érasme à Orwell pourtant, la plupart des écrivains et des
savants ont de tout temps accordé de la valeur au sens commun.
Contrairement aux intellectuels, les hommes d'étude et de réflexion
veulent sauvegarder les droits du bon sens. Lui seul préserve de l'esprit
de système et de son cortège d'idées problématiques, fragiles ou fausses.
Entre la connaissance courante et la compréhension scientifique, s'agite
le demi-savoir irraisonné des intellectuels.
C'est à partir du XXe siècle que le bon sens se trouve délégitimé et Pierre
Bourdieu fut, dans le dernier quart de ce siècle, l'une des figures les plus
flamboyantes de ce parti des intellectuels qui stigmatisent le sens commun.
Trois explications principales se superposent : le retour d'une idéologie politique
antipréjugés, l'hostilité de certains cénacles contre les lieux communs,
et un parti pris pseudo-scientifique dépréciant la perception spontanée. Les
enjeux de la controverse du sens commun sont multiples. Il est lié, par
exemple, avec le sens moral et avec le sens civique. Retracer cette dispute
du bon sens revient à établir une généalogie de la liberté d'esprit, face à
une mentalité dogmatique régulièrement réactivée par un personnage bien
connu de la philosophie et de la littérature : le pédant ou faux savant, le
Trissotin de Molière.
Ce petit manuel de survie nous invite à redécouvrir la pensée classique
et à sourire d'un des principaux ridicules du temps. Il offrira un peu d'air
frais à l'honnête homme qui souhaite résister à l'ignorance et à l'arrogance
des intellectuels. L'ampleur des connaissances mobilisées et l'acuité des
analyses proposées destinent ce livre passionnant à s'imposer dans la durée
comme une référence incontournable.
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