Longtemps il a fait le même rêve ou plutôt le même cauchemar : il voyait défiler des hommes nus, les bras levés vers le ciel, le visage déformé par la peur. Au cours des mois suivants il avait eu sous les yeux des spectacles encore plus poignants et plus cruels et pourtant c'est cette image de janvier qui a dominé toutes les autres. Pourquoi celle-là seulement ? Parce qu'elle a été la première et qu'il n'avait pas été préparé à la voir.
Cette nuit du 8 janvier 1959 avait eu un autre effet sur lui et aussi sur ses six camarades : le 8 janvier au soir ils étaient « Algérie française ». Le 9, ils ne l'étaient plus.
Pendant longtemps, chaque fois que cette période lui reviendra à l'esprit, il fredonnera, à voix basse, pour lui-même, cette strophe d'une chanson, dans laquelle il paraphrasera un poème d'Aragon, autrefois mis en musique et interprété par Catherine Sauvage et Yves Montand :
« C'était un temps déraisonnable,
On avait mis les morts à table,
Faut-il, pour que les hommes vivent,
Que leur passé au loin les suive ? »
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