2010-2013

Où est l'émotion poétique ?

Quelle est l'allure du poème ?

Pas de confusion !

L'émotion est dans la vie

Le poème va

Par monts et vallées

En suivant son cours

À la recherche de ce qui reste

Après l'incendie

Quel type de vers

Faut-il écrire ?

Pas de poésie

Sans la profondeur

De l'azur

Je marche

Sur la route du soleil

Poésie !

Poésie !

Poésie !

Demandais-je

À la simplicité

Du monde

Il me répondait

La poésie est devant toi

Embrasse-la

(G. Dotoli, Bonjour Poème!, p. 600-601)

La «liberté libre» n'est pas, pour
Giovanni Dotoli, l'exigence et la
revendication personnelle d'un adolescent,
comme elle l'était pour Arthur
Rimbaud quand il la revendiquait dans
sa lettre à son professeur Georges
Izambard le 2 novembre 1870. C'était,
- et elle l'est demeurée -, celle de la
nature environnante qui le comblait
dès l'enfance et l'incitait à dessiner
dans le terrain un cercle qui «contenait
tous les départs de [s]on coeur» : «la
liberté libre / Du ciel et de tous ses
oiseaux», le mouvement du monde
autour de la lune et, à partir de ce silence,
la naissance d'une musique secrète,
moins celle du livre peut-être que du
coeur.

Cette «Chanson pour le silence» est
associée à la figure d'une Princesse
lointaine, la «Princesse de [s]es rêves»
qui «caresse la rosée de la lumière» et
fait rêver d'un retour au paradis terrestre.
Giovanni Dotoli est de ceux pour
qui ce paradis n'est pas définitivement
perdu. Et loin de rester confinée dans
un vieux missel au «dos vert», qui a
quelque chose de la «Bible à la tranche
vert-chou» des «Poètes de sept ans»,
elle apparaît sous le signe du soleil «à
l'aube d'une terre nouvelle».

[...]. La vie ponctue tout cet ensemble
réuni pour le troisième Je la vie de
Giovanni Dotoli, et la mort n'y est
point écrite, ou le moins possible : c'est
«La vie qui va» dans Là-haut
l'amandier, «L'image de ma vie» dans
les Sonnets intuitistes, «Vivre» dans
les Poésies diverses, et, daté, non pas de
Paris, mais de Bari, le 13 janvier 2014,
ce poème «À l'étoile des jours»,

Aimer la vie

Caresser le regard d'un enfant

Lier les points du cosmos

Suivre le réseau des astres

Unir tous les points inconnus

Sur la route de Dieu

Puis écrire la parole

Dans sa nudité pure

Dénudée de ses angoisses

Énergie de ce que nous fûmes

Essence de ce que nous serons

Dans les bras du vent

Ciel sur ciel d'azur

À l'étoile des jours

Ce n'est ni un petit ni un grand Testament.
Mais l'attestation de cette affirmation
qui est d'un bout à l'autre au coeur de
ce témoignage exceptionnel qu'est l'oeuvre
poétique de Giovanni Dotoli : Je la Vie.

Pierre Brunel