
La poésie moderne et contemporaine semble, dans ses développements les plus marquants, contester la coupure traditionnellement inscrite entre la structure du sens, universelle et abstraite, et l'univers du sensible, particulier et concret. Loin de saisir entre ces deux espaces une séparation, elle insiste, tout au contraire, sur leur convergence, leur constitution réciproque, leur solidarité essentielle. C'est par et dans la sensation que se dégagent ainsi les œuvres lues et commentées dans cet essai, notamment celles de Claudel, Supervielle, d'Y. Bonnefoy, Ph. Jaccottet ou J. Tortel : on y découvre un sujet poétique incertain et glorieux, une altérité altérante et nécessaire, un langage aussi, incliné sur ses versants les plus palpables, recourbé sur ses reliefs les plus intimes pour mieux refonder une référence non plus simplement dénotative mais qui saurait faire vibrer sur la membrane de la langue les inflexions d'une existence irréductible à toute «noèse» préétablie. Une œuvre singulière, celle de Saint-John Perse, vérifie, par ailleurs, à plus grande échelle, ce que les parcours théoriques avaient pressenti : l'enracinement perceptif, affectif même parfois de la voix poétique, et l'implantation du sens, toujours hasardeux, toujours en mouvement, qu'elle propose dans les couches les plus immédiates du rapport au monde et à sa concrétude.
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