«La pluie est plurielle, dit-il. Il y en a d'infimes, si timides, qu'on
se demande s'il pleut. Non, impossible, le soleil brille. Il y a des
pluies sales, qui laissent des traces sur le pare-brise. Il y a aussi des
pluies fatiguées, mais plus loin, un arc-en-ciel s'est formé, des lignes
de couleur diffuses qui leur donnent la permission de s'arrêter et de
prendre du repos. Il y a aussi les pluies de mars, les giboulées,
brèves et sauvages. Cette pluie devient parfois de la grêle, comme
si l'hiver s'accrochait à la terre, pour y rester. Les gouttes sont acérées
et nous font mal. Les tempêtes en hiver tiennent dans la durée.
Les oiseaux et les hommes se cachent, le vent frappe aux fenêtres,
fait tomber les dernières feuilles jaunes et voler les tuiles des maisons.
Des imprudents marchent dans la rue, les vêtements dégoulinent
d'une pluie féroce. C'est un rideau de fer qui se referme, qui
te coupe du monde tout autour. Une punition pour avoir vécu l'été
et avoir oublié la saison froide. Je me souviens de cette pluie. Elle
échappe aux parapluies, car les vents les retournent et mouillent les
vêtements».
C'est ainsi qu'Alexandre me raconte la pluie. Elle me manque.
Ici, dans cette petite ville mexicaine, il y a une pénurie d'eau sans
précédents. Des oiseaux meurent un peu partout et il n'y a pas une
goutte d'eau aux robinets depuis des mois. Peu à peu, tout le
monde s'en va : mes collègues de l'Institut français, mes amis et
voisins. Les commerces ferment. Je me sens de plus en plus seule
car même Alexandre, l'homme de qui je suis tombée amoureuse,
s'éloigne de moi. Qui est Gabriela, cette femme qu'il admire tant ?
Je dois le découvrir.
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