Ludovic Massé s'est toujours rêvé, s'est toujours voulu conteur.
Des contes improvisés pour ses élèves de Céret, pour ses enfants
ensuite, comme il nous le narre dans La Terre du liège (1953) à
l'émission d'André Voisin en 1972, en passant par les Contes en
sabots (1959) et de nombreuses publications en revue, un même
dessein se poursuit : faire sourdre émotion, réflexion et poésie du
son d'une voix, du plaisir d'un rythme, des variations d'un phrasé ou
d'une cadence... Et le conte écrit, l'écriture du conte ne se comprennent
qu'en référence à cette oralité première, à cette immédiateté
originelle d'une parole, dont ils s'efforcent de garder la vivacité,
l'invention et le charme.
Pip et la liberté n'échappe pas à la règle - plus long que tout
autre conte de Ludovic Massé - c'est aussi un conte plus grave :
«conte parabolique» dit l'auteur, une fable en quelque sorte, qui,
sous le masque de ses animaux, dit la vérité des hommes et de leur
histoire. Conçu en 1939, quand conquêtes mussoliniennes en
Éthiopie et guerre civile d'Espagne avaient préludé tragiquement à
l'apocalypse de la Seconde Guerre mondiale, repris en 1945 puis en
1952 et 1956, quand le souvenir des ruines et des morts accumulés
ne s'était pas encore effacé, Pip et la liberté est un apologue politique
où sont mises en cause, comme dans Le Refus (1962), qui lui
est contemporain, la possibilité pour l'homme de donner un sens à
son destin, une réalité à son espoir de libération, une issue à son
désir d'une «autre vie».
Maurice Roelens
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.