Un jour j'ai vu des larves de mouche dans la croûte d'un
fromage, et j'ai pensé les mouches naissent des croûtes de
fromage, et il aurait mieux valu pour moi naître de même, la
vie est plus facile sans les effets secondaires d'une famille.
J'ai mis la cloche à fromage sur l'assiette, enfermant les
mouches sous une crinoline en verre soufflé. J'ai fait aux
mouches ce que la famille m'a fait, je les ai tenues en tutelle.
Mais elles, du moins, étaient nombreuses, tandis que j'avais
été seule sur le champ de bataille. À un pour vingt, je ne pouvais
que sortir vaincue de notre guerre de chambre ou du moins
avec un certificat d'invalidité qui me vaudrait peut-être un
jour les honneurs du Panthéon comme aux grands de ce
monde dévoués à leur patrie, père, mère et saint-frusquin...
De Caroline Girard, je sais peu de choses. Qu'elle a écrit un premier
roman d'une haute et vigoureuse ambition, "La mort arc-en-ciel".
Qu'elle roule elle-même ses cigarettes et que ce geste lui
convient à merveille. Qu'elle promène ici et là ses manuscrits,
s'installe quelquefois à une table, face à des gens qu'elle ne
connaît pas, pour leur en lire des extraits. Qu'elle engage, dans
cet acte d'auteur public, quelque chose qui va bien au-delà de sa
seule personne. Que son écriture est étrangement proche du
théâtre et du corps. Qu'enfin, elle a pris, sans amertume, avec
une juste colère, la décision politique et morale de publier et
diffuser différemment son deuxième livre, "On a volé le Saint-Esprit".
C'est là tout ce que je sais de Caroline Girard, femme et
écrivain de ce côté-ci du monde, le nôtre, pas le leur.
Daniel Conrod (auteur)
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