
À la fin des années vingt, les Soviets prennent conscience qu'ils
n'auront pas la maîtrise de la Russie, tant qu'ils ne contrôleront
pas les campagnes. Le pays est alors très majoritairement rural,
et le monde paysan vit encore en parfaite autarcie, presque
complètement coupé de la civilisation urbaine qui lui semble
étrangère, sinon hostile.
En 1927, le XVe Congrès du Parti trace la «ligne générale» :
mise en place et développement d'exploitations agricoles
collectives. Deux ans plus tard, Staline décide de brusquer les
choses : la collectivisation sera immédiate, totale, forcée.
Par vagues, quelque cinq millions de paysans, prétendument
«koulaks» vont être déportés, entre 1929 et 1933, vers l'Oural,
la Sibérie, le Kazakhstan. Il en résultera une effroyable famine
et la destruction de l'agriculture russe pour des décennies.
Le recueil proposé ici se compose de cinquante lettres de
paysans russes, adressées à des représentants du pouvoir ou à la
Krestianskaïa gazeta (le «Journal paysan»). Elles montrent le
grand malentendu qui s'est installé d'emblée entre le nouveau
pouvoir instauré par Octobre 17 et une paysannerie qui, dans
son ensemble, n'était pas hostile au changement, voire le
souhaitait. Mais pas de la même façon que les Bolcheviks.
On sera frappé par l'écriture de ces lettres. Elles mêlent la
maladroite naïveté et la franchise colorée d'individus qui
viennent, peu ou prou, d'accéder à l'alphabet (rappelons qu'en
1926, plus de la moitié des paysans russes est encore analphabète).
Elles révèlent l'attitude du peuple russe des campagnes à l'égard
de toute forme de pouvoir, attitude où se confondent confiance
presque enfantine et méfiance quasi viscérale.
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