
O Nele, tu me dis que tu te souviens de tout et de tous, tu me montres une foule de classeurs sur la table de ton salon dans ton port d'attache : ta maison de terre de Thorembais-les-Béguines au Champ St-Roch en Brabant où tu jetas l'ancre jadis. Dans ces classeurs, tu as soigneusement noté toutes les étapes de ta saga personnelle et la saga de toutes celles et ceux qui ont embarqué et parfois débarqué de cette arche de Noé naviguant tour à tour entre mer calme et tempête. Que de rencontres, que de déboires, mais que de joies surtout ! Le public est ta famille, c'est lui que tu chéris par-dessus tout, le public, c'est ton ami, ton frère, ton gagne-pain, c'est pour lui que tu existes. « Chaque spectateur est un ami potentiel », écris-tu ; je partage cette vision. Tu racontes toutes tes belles rencontres avec lui, mais aussi avec de Ghelderode, ton maître, avec Molière, l'inoubliable père du théâtre ; tu racontes ta rencontre avec Marco Taillebuis, un personnage avec un nom et une allure de jardinier qui est entré dans ta vie à Paris, Marco, avec lequel tu fis un enfant de chair et bien d'autres créations. Jadis, toi et moi, nous fûmes comédiens ensemble à Bruxelles, tu étais alors aussi rapide et mouvante qu'un oiseau et une maladie t'as clouée au sol, mais tu as décidé alors d'aller au bout de ta mouvance, au bout de tout ce qui était possible physiquement pour toi. Tu as traversé « l'impitoyable quotidien » comme tu l'appelles. Quand il arrivait que tout aille de travers, tandis que des comédiens quittaient le bateau, d'autres inconnus enthousiasmés par l'esprit de la troupe venaient à ta rencontre. Tu m'as parlé de ces camions qui étaient des comédiens comme les autres, ces camions tréteaux, ces bons à tout faire aux moteurs toujours toussotant, aux radiateurs toujours troués. Leurs noms familiers résonnent comme des noms de batailles : Hanomag 54, Chevrolet 69, Daf 99, ce sont eux qui étaient devenus « La scène libre au gré des fictions » dont parlait Copeau.
Le livre présent est touchant et attachant avec ses coups de théâtre, ses humeurs et ses remises en cause ; tu y parles aussi de Charlotte I, la poule fétiche qui ne vous quittait pas à une certaine époque et était devenue comédienne par la force des choses. Que de tohu-bohu, que de charivaris, que de rires, que de belles tristesses, que de déchirures, que de bonheurs ! Ici même, chère Nele, tu nous dévoiles les coulisses des Baladins du Miroir : troupe historique qui a changé le paysage théâtral de notre pays. Dans ce livre, tu nous montres qui tu es, qui vous fûtes, toi et tes comédiennes et tes comédiens aux mille talents : musiciennes et musiciens, gens de paroles et de chansons de geste, vous mériteriez d'être cités toutes et tous ici, vous, les forains du foirail qui êtes en même temps les gueux et les princes de la place publique.
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