La liaison amoureuse que retrace ce livre est une des plus longues de
Paul Celan et une des plus clandestines. Peu de lettres échangées, des
dédicaces se réduisant à une étoile discrète : cryptogramme que Celan,
en cas d'absence de l'amante, trace à la craie sur l'ardoise fixée près de la
porte de sa chambre pour noter son passage.
Quand Celan fait la connaissance de Brigitta, soeur cadette de
l'écrivain autrichien Herbert Eisenreich, celle-ci a fui son pays natal et
son milieu catholique pour aller faire des études à Paris, où elle est jeune
fille au pair. Celan a 33 ans, elle en a 25. Leur relation, nouée peu de
temps après le mariage de Celan avec Gisèle de Lestrange, en décembre
1952, durera près d'une décennie.
Pour évoquer sa «liaison clandestine», Brigitta Eisenreich écrit :
«Vu l'attention et la valeur que Celan accordait aux dates d'anniversaires
des siens, il paraît clair que j'occupais une place à part dans sa vie. Notre
lien échappait au rituel des dates et à bien des contraintes. C'est dans ce
lien à la fois clandestin et affranchi que tenait toute la richesse que nous
pouvions partager ensemble.»
Parfois, Brigitta attrape les pensées de Celan au vol et les consigne
dans un petit carnet. À la recherche de ses souvenirs les plus intimes, elle
multiplie les angles de vue sur l'oeuvre de Celan et sur ses mille et trois
vies : comme si le poète, dans l'ombre du génocide des Juifs d'Europe, se
devait de répéter compulsivement l'acte de vie pour maintenir le poème
vivant - la mémoire.
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