Le miroir des Amazones

Si les sources et la méthode mises en oeuvre dans cet ouvrage sont littéraires, quatre genres rhétoriques sont passés en revue - la biographie, le traité philogyne, le poème épico-chevaleresque, l'historiographie - permettant de répertorier un certain nombre de guerrières et de gestes féminines, les conclusions qu'en tire l'auteur sont plutôt d'ordre socioculturel et psychologique.

De fait, l'intérêt de la question d'une aptitude féminine aux armes réside moins dans son application, trop paradoxale au XVI^e siècle pour être envisagée techniquement, que dans ses enjeux qui s'inscrivent dans un débat socioculturel aux multiples facettes: débat sur l'éducation, sur l'historiographie, sur la «condition» et la nature féminines, sur l'art militaire. Cette question apparemment marginale se situe, par conséquent, au croisement d'interrogations majeures dans la société et la culture italiennes (et pas qu'italiennes) du XVI^e siècle.

Le miroir des Amazones n'est pas un colifichet pour apprivoiser ces trop farouches guerrières. Ce sont plutôt les Amazones qu'il faudrait considérer comme un miroir de la société, elles qui font voir et entrevoir dans leur outrance hyperbolique quelque chose de la norme sociale. Par les réactions qu'elles suscitent les Amazones permettent de mesurer le degré d'ouverture ou de fermeture, de rigueur ou de liberté, de peur ou d'humour d'une société, «attaquée» sur ce point névralgique qu'est la répartition sexuelle des rôles.

La guerrière met en scène la fragilité des identités sexuelles et plus particulièrement de l'identité sexuelle masculine, puisqu'il suffit qu'une femme se vête en soldat ou aille combattre pour que l'homme s'en trouve efféminé. La guerrière met par conséquent en évidence l'écart entre le sexe et le genre. C'est ce qui la rendait insoutenable ou carnavalesque au XVI^e siècle et si actuelle au XXI^e siècle.