
Si les statistiques placent les Côtes-du-Nord parmi les départements français
les moins confrontés au phénomène de l'abandon, il a néanmoins beaucoup
préoccupé les autorités qui n'eurent de cesse, pendant tout le siècle, de
vouloir l'éradiquer coûte que coûte. S'intéresser à l'abandon des enfants,
c'est s'intéresser à la fois à l'histoire de l'enfance et à l'histoire des femmes,
particulièrement les femmes seules, mais aussi, plus généralement, à l'histoire
de la vie rurale dans un département fortement imprégné de catholicisme.
Filles-mères rejetées, enfants abandonnés stigmatisés, la société toute entière
est concernée par l'abandon. C'est aussi s'intéresser à la transition entre
philanthropie et encadrement du service de l'assistance par l'Etat qui, sous la
IIIe République, triomphe avec la création de l'Assistance publique.
Les limites chronologiques de cette étude se sont imposées au regard de la
législation en vigueur concernant l'Assistance Publique, véritablement créée par le
décret impérial du 19 janvier 1811 et qui prévoit l'anonymat de l'abandon. Décrié
rapidement en raison de l'augmentation des expositions qu'il suscite, modifié
à moult reprises, ce texte reste néanmoins en vigueur pendant tout le siècle,
marquant profondément de son empreinte l'histoire des enfants abandonnés. Il
sera relégué par la loi du 27 juin 1904.
Les séries X et H du dépôt des archives départementales des Côtes-d'Armor
constituent le socle de cette recherche, permettant une plongée passionnante
dans la vie des enfants abandonnés et de leurs mères, aux conditions de vie
misérables. La richesse des sources permet, non seulement de suivre ces
dernières à des moments-clefs de leur vie comme celui de l'abandon, mais
également de brosser, à grands traits, leur quotidien avant et après l'abandon. Elle
permet de surcroit de mettre en lumière le rôle inducteur de la société catholique
de l'époque, intransigeante, qui juge et condamne toutes celles qui mettent au
monde un enfant hors-mariage. Les sources abondent pour autant sur le parcours
des enfants abandonnés, depuis leur arrivée à l'hospice jusqu'au moment où ils
sont gagés. Même si tous ne peuvent être suivis individuellement, il est possible
cependant de dépeindre assez précisément les grandes lignes de leurs premières
années de vie. Souffrances, chagrins, humiliations, silences imposés surgissent
alors sans surprise des sources, mais aussi sursauts de révolte, insubordinations
et désertions. Plus rares, quelques moments de malice et de joie viennent égayer
le tout, sur fonds de misère générale.
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