Il n'y a pas de «guerre des civilisations» - du moins pas au
sens où celle-ci devrait supposer, comme le pensait Samuel
Huntington, un affrontement qui tiendrait à l'«essence»
qu'on attribue à chacune d'elles au regard d'une compréhension
toujours partielle et partiale, instrumentale et caricaturale
de ce qu'on imagine les caractériser. Et pourtant, l'hypothèse
d'une impossible coexistence entre des communautés se reconnaissant
des «appartenances différentes» ne cesse de revenir
sur le devant de la scène et se prête aux manipulations politiques
les plus hasardeuses - comme l'est, en France par
exemple, l'existence d'un «ministère de l'Identité nationale et
de l'Immigration». Il faut donc en reprendre la réfutation : il
n'y a pas d'hostilité (d'essence) entre les civilisations, mais il y
a la lutte nécessaire que chacune d'elles mène, en tant que processus,
contre la vie pulsionnelle des individus qui se réclament
de l'une ou l'autre d'entre elles.
Et ce qui se produit alors, c'est la constitution diversifiée
des surmoi, dont cette lutte fait son arme principale - et, partout
dans le monde, la concurrence des forces politiques, idéologiques
et religieuses qui en ont pris le contrôle pour exercer
et conserver leur emprise sur la vie. C'est de ces forces que vient
le danger, c'est elles qui doivent être contrées. Mais de quel
poids pèsent les discours qui se contentent d'en appeler au
«dialogue des civilisations» ? Suffit-il d'exiger que les différences
soient «tolérées» pour endiguer la violence ? Et si tel
n'est pas le cas, comment penser un au-delà de la tolérance ?
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