
L'oeuvre d'Ingmar Bergman force l'admiration. Au cours
d'une carrière riche de quelque cinquante longs métrages
réalisés entre 1945 et 2003 (sans compter son infatigable
activité de metteur en scène de théâtre), il remet sans cesse sur
le métier ses obsessions intimes, ses fantasmes qui brouillent
la représentation de la réalité, ses personnages dévorés par
une culpabilité qui torture l'âme et le corps, sa lucidité à
ausculter le couple qui se séduit puis se déchire, son angoisse
devant le silence de Dieu, sa recherche chaotique d'une
rédemption. Le Septième Sceau, Les Fraises sauvages,
Une passion, À travers le miroir, autant de chefs-d'oeuvre dans
une oeuvre qui traduit une capacité à exprimer ses sentiments
restée inégalée. On peut lire ses films comme une transposition
de son propre parcours depuis son enfance dans une famille
luthérienne ultrarigide, sa propre ambiguïté morale qui lui
fait honte et horreur.
Ingmar Bergman est aussi un cinéaste qui, au-delà des modes,
capte l'esprit de son temps, dans ses aspirations et
ses désillusions : Monika, dans lequel Harriet Andersson
incarne une jeune femme à la sensualité sauvage et scandaleuse,
lui apporte la notoriété en France, incarnant ce vent de liberté
qui marque la modernité naissante au cinéma. Dans les années
soixante, il expérimente avec Persona l'une des plus puissantes
évocations de l'ambigüité du mal. Scènes de la vie conjugale
stigmatise cet individualisme qui induit insidieusement la
déshumanisation du monde, monde qui se déploie avec joie
et nostalgie dans Fanny et Alexandre et qui atteint sa
représentation la plus dépouillée dans Sarabande, son ultime
film, à la fois leçon de cinéma et questionnement existentiel.
Dans l'univers du cinéma, Bergman est un continent à part,
celui d'un géant à la hauteur de Beethoven ou de Dostoïevski.
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