Fuyant Nice, cité estivale et maintenant tropicale, Nietzsche
cherche et découvre, dès 1881 un site précieux qui stimule sa
pensée et où il lui semble retrouver une forme de santé : Sils-Maria
au coeur de l'Engadine. Cette modeste localité agreste se
situe à une vingtaine de kilomètres de Saint-Moritz et se trouve
prise entre deux lacs : celui de Sils et celui de Silvaplana. Il
apprécie au-delà de toute expression la paix si particulière des
montagnes et des forêts. La courbe de son plaisir ne cessera
de s'élever longtemps encore et il ne se lassera pas de célébrer
ce lieu aimable et bien-aimé. Il y passera son dernier été
en 1888 avec encore toute sa raison, mais si près de la perdre
(janvier 1889).
Dans cette magnifique région le philosophe jette les fondements
de son grand oeuvre : dès 1884 il entreprend la deuxième
partie de Ainsi parlait Zarathoustra, en 1885 il y commence
la rédaction de Par-delà le bien et le mal, en 1887 il
y brosse sa Généalogie de la morale et enfin en 1888 le Cas
Wagner et Le crépuscule des idoles.
Mais l'essentiel n'est peut-être pas plutôt dans le paysage sylvestre
et montagnard, que dans un certain paysage mental.
C'est ainsi qu'un simple rocher posé au bord du lac de Silvaplana
va devenir une sorte de symbole connu sous le nom de
rocher de Surlej, auquel adossé quelques instants, Nietzsche
rencontre Zarathoustra, rencontre éblouissante et fatale, qui
restera son ombre à jamais...
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