L'Auvergne, dans ma mythologie d'enfant, dut représenter quelque
chose comme le lieu de l'origine, au moins celle des cours d'eau qui
baignent notre pays. Mes manuels scolaires n'affirmaient-ils pas que
le Massif central était le «château d'eau de la France» ? La Loire, l'Allier,
la Dordogne, le Lot et l'Aveyron, la Truyère et le Tarn, tous descendaient
de ses monts, irriguaient un temps ses planèzes ou ses limagnes
avant d'embrasser, parvenus en des contrées plus douces et
plus faciles, leur essence de fleuves ou de rivières. Plus tard aussi je lus
le cas de cet enfant autiste d'une institution près d'Aurillac : quand il
pleuvait, il passait ses journées sous la gouttière à distribuer l'eau qu'il
recevait sur la tête aux quatre coins de l'horizon : il devait s'imaginer
que s'il n'accomplissait pas cette tâche à la fois pratique et sacrée les
terres alentours mourraient de soif ; il s'était identifié au pays d'Auvergne.
Telle est, je crois, la fonction véritable de tout centre : dispenser
aux autres lieux, contrées vagues et improbables, terres gastes frappées
de malédictions tant que le souffle de l'Esprit n'est pas passé sur elles,
non pas de l'eau peut-être, mais du sens, de telle manière qu'irrigués
par ce flux invisible ils prennent à leur tour vie et essor spirituel. Par
bien des traits l'Auvergne apparaît comme la seule région française susceptible
de correspondre à cette fonction. Elle est un haut sanctuaire,
une terre sainte et préservée, le but d'un pèlerinage qui, au lieu de se
mettre en quête d'un lieu précis - mont, église, caverne -, chercherait
à revenir à la source de l'espace.
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