Après Cinq amoureuses d'Ihara Saikaku (1642 ? - 1693), rénovateur et virtuose
du haïkaï, rénovateur également de la prose japonaise au siècle
d'Ôsaka et de la bourgeoisie marchande, voici l'autobiographie d'une
femme, une vieillarde lucide qui se raconte à deux jeunes gens : pour avoir
aimé au-dessous de sa condition (elle était de souche noble), elle vit périr son
amant. On la maria d'autorité à un vieillard qui la laissa bientôt veuve. Elle
devint alors la concubine d'un homme qui la délaissa et fut ainsi condamnée
par les moeurs japonaises du temps à une prostitution de plus en plus avilissante.
Elle témoigne ainsi de ce que pouvaient alors faire d'une femme bien
née, mais qui prétendait à quelque liberté charnelle, les préjugés de caste et
de classe.
Avec Le Roman de Genji, voici probablement le plus beau roman japonais
d'avant le Meiji, d'un courage en tout cas, d'une audace, d'une sensibilité
extraordinaires, et en japonais d'une très belle langue. Comme si l'effort avait
épuisé Ihara Saikaku ou comme s'il savait que nul, pas même lui, ne pourrait
faire mieux ou même aussi bien dans le genre, ce sera son dernier roman.
Il parut en 1686, la même année que le recueil de nouvelles Cinq amoureuses
que nous avons déjà présenté dans cette collection. Une préface intelligente
et précise permet de situer cette Vie par rapport à la société d'alors.
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