Il y eut trois France, au moins, dans la Méditerranée des années 1860-1940.
Et trois écoles, pour une seule langue, rayonnante comme jamais ce ne fut le
cas dans son histoire. Une France catholique, forte de centaines de Jésuites,
de missionnaires, de frères et de religieuses accueillant dans leurs murs des
dizaines de milliers d'élèves de toutes confessions. Une France laïque, celle
des systèmes d'enseignement coloniaux, et celle aussi de ces missionnaires
d'un nouveau genre, les instituteurs de la Mission laïque (1902) installés à
Beyrouth ou Salonique. Une France juive, enfin, celle de l'Alliance israélite
universelle (1860), dont les deux cents écoles, du Maroc aux Balkans, enseignaient
la langue française parce que l'émancipation des juifs s'était dite
dans ses mots.
Dans la course à la puissance qui fait de la Méditerranée orientale le champ
clos des ambitions rivales, la France a pu compter sur l'empire immatériel que
lui préparaient ces établissements. Tout opposait leurs maîtres, et tout les
unissait, dès lors qu'une nation est d'abord une langue et que sa grandeur se
mesure à l'aire couverte par ses écoles, ses bibliothèques et ses idées. On
n'évoquait pas encore la francophonie, mais c'est au début du XXe siècle
qu'une autre partie du monde a parlé français, préparant l'entrée dans notre
littérature d'une puissante province méditerranéenne et levantine.
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