Avec l'intégration de la légende tristanienne dans l'univers
arthurien, le Tristan en prose fait la part belle au discours
amoureux. Des insertions lyriques, bigarrant la prose romanesque,
recueillent la parole d'amour. Cerner leurs contours au sein de la
tradition littéraire permet d'entrevoir l'originalité poétique du
Tristan, l'ébauche d'une réflexion sur les genres. Ces beaux diz
sont le fait d'amoureux-poètes, dans un roman où seuls les amants
savent parler d'amour. Insérer ces pièces lyriques c'est pour la
prose romanesque relever un double défi : les promouvoir et les
intégrer en créant les conditions spatio-temporelles et stylistiques
de leur émergence dans le flot de l'aventure chevaleresque. Tandis
que de nouveaux décors participent à la rhétorique de l'amour, la
prose narrative en renouvelle la scénographie. L'écriture de l'amour
reflète les contradictions de la prose. Dans leur composition
comme dans leur argumentation, les beaux diz empruntent leur
rhétorique à des formes codifiées, pliées aux aléas de l'aventure
amoureuse. Cette rhétorique sert moins une réflexion sur la
passion que la mise en représentation d'une fureur amoureuse et
poétique, folie d'amour devenue folie de mots. Miroir aux
amoureux, le Tristan n'invite pour autant ni à l'amour ni au savoir,
chimères à l'horizon du discours. Miroir aux poètes, il offre en
revanche une réflexion métadiscursive par la mise en scène,
nouvelle, au coeur du roman, des conditions d'engendrement et de
réception de l'oeuvre poétique.
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