Réunis à Bruxelles, le 17 décembre 2004, vingt-cinq chefs d'États ou
de gouvernements européens se sont prononcés en faveur de l'ouverture
des négociations avec la Turquie, en vue de son adhésion à l'Union
européenne. Depuis lors, cette question est au coeur de tous les débats
sur l'avenir du Vieux Continent et sur les nouvelles institutions en gestation.
Parmi les partisans de l'adhésion turque, certains croient bon de rappeler
son «passé européen», tout en se gardant bien de préciser ce que
recouvre cette réalité. Or, si la Turquie fut bien en Europe, c'est en tant
que puissance étrangère et coloniale et non comme pays européen. La
nuance est capitale ! Historiquement, c'est d'ailleurs parmi les peuples
grecs et slaves de l'Empire ottoman que le mouvement universel de la
décolonisation a commencé au XIXe siècle. En offrant aujourd'hui à la
Turquie les moyens légaux de reconquérir des positions jadis perdues
et même de les étendre, les dirigeants européens se situent en décalage
avec leurs opinions publiques qui se souviennent que leur identité s'est
forgée, en grande partie, dans la résistance aux ambitions islamo-turques.
Au-delà des critères «idéologiques» de Copenhague, le présent essai
examine les critères «réels», c'est-à-dire géographiques, historiques,
culturels et religieux, qui permettent d'affirmer que la Turquie n'est
pas européenne et que son avenir ne peut donc pas être en Europe. Sa
véritable vocation est asiatique : elle regarde les nations turcophones qui
s'étendent à l'Est jusqu'en Chine.
En définitive, la question turque soulève un problème crucial : celui de
l'identité de l'Europe à construire.
«La Turquie, «homme malade de l'Europe»... Annie
Laurent retourne la formule et montre comment la question
turque est un symptôme qui nous apprend bien des
choses sur l'Europe. Et, déjà, que celle-ci est malade.»
Rémi Brague
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