Les tulipes de Bono

Les tulipes de bono

Des fleurs qui poussent sur la rouille, esseulées, au bout d'un mât, d'un balancier ou autres accastillages. La fierté fragile qui s'épanouit et illumine la pénombre des souvenirs. Des étoiles à la pointe de totems d'acier, rivées et fières sur les podiums d'un coeur tendre ; des trophées offerts au soleil, des sépales de calices protecteurs, réfractant les rayons lumineux, gorgés d'air pur, capturant de multiples digressions célestes. Enracinée, enlacée dans un carcan de chaîne, lame se détache, déborde, exulte. Il y a nos pieds, nos pieux, le corps du vieillard rigide, le tronc noueux, le châssis désarticulé qui grince, le pas de vis définitivement bloqué, ce vieux portail écorché qui résiste, rythmant et encadrant une nature toujours renouvelée.

Rococo, rigolo, abrupt, clin d'oeil d'assemblage improbable à la Antoni Gaudi, avec un zeste de Facteur Cheval, baroque et kitsch à souhait, parfumé d'Art déco ou nouveau à la mode de Klimt, Bono est libre comme l'enfant émerveillé qui collectionne et assemble ses précieuses récoltes. Ses yeux brillent de mille fleurs vivifiantes, délicatement parfumées et colorées, messages livrés au vent, oreilles captant les secrets d'un univers infini. Comme Eduardo Chillida qui voulait résister au vide ou dompter l'invisible avec force et inertie, les tulipes de Bono, telles des antennes et des paraboles, captent l'écho de l'au-delà, ou comme une offrande, s'épanchent en guirlandes poétiques.

En peinture, comme en sculpture, un contraste ou un détail saisissant, une variation abrupte de structure, un déséquilibre soudain orientent et déterminent le raisonnement de l'artiste qui ne peut se satisfaire d'un espace tracé en règes rectilignes immuables.

Les tulipes de Bono : comme une exclamation de joie, un cri, un refus, un accueil... Dans ce no man's land épuisé, sur les larmes asséchées fleurissent les Tulipes de Bono, résurgence et résilience d'une âme meurtrie mais vivante.