Alors même qu'ils croient poursuivre seulement leurs propres intérêts
et leur vouloir singulier, les hommes concourent, selon Hegel,
à l'édification d'une société rationnelle. Telle est la fameuse «ruse
de la Raison», qui utiliserait la déraison pour se produire dans le monde.
Nous ne pouvons plus être aussi optimistes, mais nous croyons encore
que si une société rationnelle et juste pouvait advenir, seules devraient y
régner la loi, la raison, la vérité et donc la sincérité. La ruse, le mensonge,
la tromperie, la séduction, tout cela devrait disparaître ou, à la
rigueur, ne subsister, à titre provisoire, que comme arme les faibles. Une
arme pas trop digne...
Cette vision rationaliste et moralisatrice a sa grandeur. Est-elle bien
réaliste ? Pouvons-nous, devons-nous réellement sortir de ce qui a
constitué la perspective anthropologique de la majeure partie de l'humanité,
habituée à vivre depuis toujours dans le registre de l'ambivalence,
de l'incertitude et du malentendu ? Vis-à-vis de nos proches, et d'abord de
nous-mêmes, demandent ici les psychanalystes, une certaine duperie de
soi, une part d'illusion, la ruse avec soi-même ne sont-elles pas les conditions
indispensables à l'édification d'un monde humain vivable ? Ou
encore, s'interrogent les philosophes, Mètis, déesse de la ruse, n'est-elle
pas la pourvoyeuse première de la phronésis, la sagesse pratique ?
C'est ce gigantesque continent enfoui de la ruse que font ici ressortir et
renaître les anthropologues, psychanalystes et philosophes réunis dans
un colloque organisé par le Laboratoire d'anthropologie prospective de
l'université de Louvain-la-Neuve, qui, après échanges et discussions,
nous font bénéficier du fruit de leurs réflexions.
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