Les grandes marées

Un soir, un père débarque chez son fils à l'improviste. Ils ne se sont pas vus depuis longtemps.

La conversation s'engage, difficile, balbutiante, davantage sur le mode de récits croisés que de véritables échanges. Quand est-ce que ça a commencé ? Comment et pourquoi ?

Ils se cherchent, se tâtent, voyagent en pensées dans le temps et dans l'espace au gré de souvenirs réels ou imaginaires qui surgissent, de digression en digression.

La soirée avance. Le fils s'impatiente, il voudrait que le père parte. Le père s'obstine à rester. Au creux de la nuit, on entre dans un territoire inconnu, celui du grand déballage entre ces deux hommes, à la fois proches et tellement différents, chacun dans sa « vérité » : les remords et les questionnements d'un père face aux reproches, à la colère et aux pensées extrémistes de son fils.

- Tu as peur ? On peut le faire ensemble, si tu veux.
Moi je cogne !
Baaaam !
Je n'ai pas peur de frapper, j'envoie du lourd.
Je vais te dire un secret : plus tu frappes, plus tu as envie de frapper, c'est jamais trop fort, jamais assez, tu frappes jusqu'à ce que les poings te fassent mal.

- Comment peux-tu avoir mal aux poings en frappant dans le vide ?

- C'est une façon de parler.

- C'est ça qu'ils t'apprennent, tes nouveaux copains ? A cogner ?

- De quoi tu parles ?

- Tu fréquentes des gars pas très nets, à ce qu'il paraît.

-
Qui t'a dit ça ?

- Le fils d'un ami.

- Quel fils ? Quel ami ?

- C'est vrai, dis-moi, que tu fréquentes des fachos ?

- C'est quoi des fachos ? Ça ne veut rien dire, facho. C'est un mot dépassé. Qu'est-ce qui te dérange ? Que je ne pense pas comme toi ? Ou que je pense par moi-même ?