Depuis leur récente émigration vers les métropoles turques et
l'Europe, les Alévis, appartenant à une communauté religieuse proche
du chiisme duodécimain, se désenclavent. Cette évolution est à mettre
sur le compte d'une prise de conscience de leur particularisme, mais
aussi de leur refus du statut précaire inhérent à l'ostracisme dont ils
font l'objet au sein d'un pays à majorité sunnite.
Ce combat pour l'identité ne manque évidemment pas d'alimenter les
antagonismes d'une société déjà tiraillée entre les principes de laïcité
prodigués par Mustapha Kemal et un islam radical. Ainsi, si la question
du devenir identitaire était secondaire sous le voile multiséculaire du
secret, l'évolution du «microcosme alévi» trace une ligne de faille de
plus en plus nette entre eux et un Etat qui se définit comme
républicain : «uni et indivisible». S'il s'agit pour cette communauté
de se construire en tant que minorité dans le contexte turc, l'Europe
occidentale, quant à elle, offre aux Alévis y étant implantés des
opportunités contextuelles qui leur permettent de réorganiser les intérêts
communautaires autour d'une rhétorique liée à leur intégration, tout en
changeant la donne géopolitique de ce groupe.
C'est à travers la communauté alévie implantée en France et en
Allemagne, son évolution globale et ses objectifs actuels que l'auteur
cherche, en soulevant le cas des représentations liées à une histoire
propice à la fabrication de mythes nouveaux, à discerner certaines
caractéristiques de cette identité en mouvement et de ses perspectives,
tant en Turquie qu'en Europe.
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