Ennuyeux, le sermon ? poussiéreux ? Rien n'est
moins sûr. Inventant à bien des égards les pratiques
médiatiques d'aujourd'hui, le sermon
constitue une oeuvre littéraire singulière et paradoxale,
où tente de s'élaborer une éloquence expressive
sans être théâtrale, sublime sans être
grandiloquente, simple sans être banale, persuasive
sans être manipulatrice - tant il est difficile de
prêcher les convertis.
On y croise des esclaves et des rois, des don juans
et des voyous, des rossignols et des baleines, des
navires et des carrosses. On y parle de Dieu, bien sûr,
mais aussi de sexualité, de politique, d'argent
- et surtout d'amour. On y aborde sans fausse
pudeur les problèmes du mal, de la mort et de la
souffrance. Saint Augustin y côtoie l'abbé Pierre,
Bossuet y voisine avec Martin Luther King, au milieu
de mystiques et de théologiens, de vagabonds et de
superstars, de saints et de révoltés.
Qu'on écoute donc enfin le sermon pour ce qu'il est :
une parole engagée et incarnée, profonde et actuelle,
au service d'une certaine idée de Dieu, des hommes,
de la société. Laboratoire rhétorique et tribune des
rêves d'un monde meilleur, le sermon vaut décidément
bien mieux que sa réputation : il est temps de
réentendre cette langue de feu, qui n'est en rien une
langue de bois.
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