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Dans le prolongement d'un précédent ouvrage (Goethe, Science et philosophie), cet essai veut mettre en évidence la richesse et la modernité de la pensée de Goethe, en prenant appui sur ce qui est sans doute le plus célèbre des récits de voyage allemands, le Voyage en Italie (1816-1817). Publiée presque en même temps que la première édition de Rome, Naples et Florence de Stendhal, cette œuvre est d'abord apparue, aux yeux de son auteur et de la postérité, comme un fragment d'autobiographie, retraçant, avec toutes les ambiguïtés, les ellipses et les travestissements du souvenir, les étapes du voyage mémorable que le conseiller privé de Weimar fit, de septembre 1786 à juin 1788, sur la terre classique, pour apaiser une très ancienne nostalgie qui remontait à son enfance francfortoise : Et in Arcadia ego, pourra-t-il dire à son tour. [...] Mais la véritable origine du Voyage est ailleurs : pour qui le lit aujourd'hui en relation avec les écrits théoriques, où le poète lui-même voyait le fruit le plus précieux de son périple, ce livre est aussi un véritable discours de la méthode, comme celui de Descartes, mais selon un autre paradigme — celui du Kant de la Critique de la faculté de juger, qui embrasse l'art et le vivant dans une même analyse. Le présent essai permet de comprendre comment s'est formée la pensée philosophique et scientifique du poète, avec ses ombres et ses lumières, ses impasses et ses intuitions prometteuses. Il donne aussi la clef de sa nouvelle esthétique, qui va s'épanouir au contact des modèles classiques, en cherchant à en saisir le secret au sein de la nature, et il éclaire la vision goethéenne de la société qui, après les années passées à la cour de Weimar, s'enrichit des expériences du voyageur anonyme, perdu dans les rues populeuses de Naples.