La France - déprimée, malade, repliée sur elle-même, à ce qu'on
dit et écrit un peu partout - regarde davantage de l'autre côté de
la Manche qu'elle ne l'a jamais fait depuis l'Occupation, lorsque la
BBC parlait de liberté et qu'on rêvait de Churchill en désespérant de
Pétain.
Pendant que la vieille Europe traîne sa carcasse, prisonnière d'un
modèle social qu'elle n'a plus les moyens de financer, ou l'énergie
de transformer, la Grande-Bretagne va de l'avant. Son isolement du
reste du continent, si longtemps considéré comme une preuve
d'arrogance, en fait désormais un exemple, une alternative : c'est la
seule qui, selon les apôtres du néolibéralisme et de la «troisième
voie» blairiste, puisse sauver nos économies, et nos démocraties
avec elles. Chômage quasi inexistant, croissance soutenue,
inflation maîtrisée, devise forte - on égrène ces «faits» pour mieux
condamner l'échec français.
Mais on ne voit de la Grande-Bretagne que ce qu'on veut bien
en voir, au crible des chiffres, et sans questionner ceux-ci. Car, que
l'on creuse un peu, et c'est un autre pays qui se révèle. Un pays qui
vit au-dessus de ses moyens. Un pouvoir qui triche avec les statistiques
et a pillé le Trésor public pour entretenir un plein emploi
illusoire. Un gouvernement qui a perdu la confiance des électeurs.
Des services publics livrés à la loi du profit, et dont rien ne semble
pouvoir arrêter le déclin. Treize millions de pauvres. Une démocratie
en danger face à la double menace d'un État plus dirigiste que
jamais et d'une technocratie galopante.
Cette Grande-Bretagne que l'on ignore (souvent parce qu'on
veut l'ignorer), c'est celle que Philippe Auclair fait découvrir dans
Le Royaume enchanté de Tony Blair : livre plaidoyer, écrit avec le
coeur d'un anglophile, sans nul doute le portrait le plus aigu - et
le plus rigoureux - qu'on ait fait à ce jour du prétendu «modèle»
britannique.
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