Je l'ai rencontré à Beaubourg. Un homme qui suivait les visiteurs et qui les photographiait, de dos, dès qu'ils regardaient une toile. Son extrême discrétion, sa ténacité, le caractère systématique de ce que j'ai d'abord pris pour une manie, m'ont tant intrigué qu'à mon tour je me suis mis à suivre ce photographe clandestin. Y compris dans les rues. À ma grande surprise, il m'a entraîné de musée en musée, où il continuait son travail énigmatique. J'ai mis un certain temps à découvrir qui il était, ce qu'il faisait, et comprendre enfin que j'assistais à la création d'une oeuvre profondément novatrice. Mon photographe saisissait les relations innombrables qui unissent les visiteurs de tous les musées aux créateurs de tous les temps. Ce faisant, il écrivait ce que j'appelle ici Le roman des regards.
Daniel Pennac
« À propos, demandai-je, comment nommer les amateurs de musées ? Qui lit un livre est un lecteur, qui va au théâtre ou au cinéma est un spectateur, qui se rend au concert ou à l'opéra est, au mieux, un mélomane, dans les magasins vont les clients, à l'usine les ouvriers, au bureau les employés, les sportifs courent au stade, les joueurs au casino et les fidèles à l'église, les voyageurs foncent à la gare, dans le métro les usagers, les électeurs se rendent au bureau de vote, on met les malades à l'hôpital, les fous dans les asiles et les coupables en prison, mais comment nomme-t-on le visiteur de musée ? »
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