Une «religion purement intellectuelle», nous dit Pascal, serait certes
capable de satisfaire des esprits éclairés, «mais elle ne servirait pas au
peuple». Si certains intellectuels ont réussi pourtant à se reconnaître
dans les grandes religions universelles comme le judaïsme ou le christianisme,
religions qui étaient loin d'être «purement» intellectuelles, c'est
d'abord parce qu'ils détenaient les moyens de réinterpréter le message
religieux en fonction de leurs propres besoins. La philosophie, en particulier,
leur a permis de concilier de très nombreuses attentes au sein de
leur confession, celles de croyants profanes et celles de croyants lettrés,
et même, hors de leur confession, celles de lettrés croyants, voire non
croyants.
Les études de cas présentées ici réunissent trois figures : Emmanuel
Levinas (le plus longuement abordé), Hermann Cohen et Jules Lachelier,
qui ont en commun une posture antimystique. Pour eux, le contact avec
l'Absolu ne passe pas par les voies de l'affect mais par celles de l'abstraction,
de l'esprit, de l'étude, de l'effort sur soi-même. C'est sans doute ce
qui procure une allure universelle à leur message, indissociablement philosophique
et religieux.
Fondé sur des études précises, cet ouvrage se propose, loin des débats
du jour sur le retour du religieux ou l'avenir des religions, d'apporter
une contribution sociologique à la connaissance des formes de religiosité
des intellectuels.
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