La Justice française s'est singularisée jusqu'en 1958 par un défaut évident,
tant de sélectivité intellectuelle à son entrée, que de formation préalable
des magistrats. Refusée pour des raisons politiques, la professionnalisation
de la magistrature s'est imposée dans son acception actuelle à l'issue
d'une crise récurrente de son recrutement. C'est au prix fort de l'instauration
d'un concours exigeant, de la création d'une grande école (l'ENM) et plus
encore d'une véritable propagande en direction des lycéens et des
étudiants que la Chancellerie est parvenue, dans les années 1970, à
redorer l'image des fonctions judiciaires auprès de la jeunesse.
Aujourd'hui encore, cette politique continue à produire ses effets.
Interrogés sur leur itinéraire professionnel, les magistrats emploient toujours
les mots-clefs du discours tenu par la Chancellerie des années 1960.
Par delà la diversité des motivations invoquées - du hasard pur à la
vocation presque mystique en passant par la nécessité ou des rencontres
déterminantes -, l'importance de l'image positive des fonctions judiciaires
se révèle toujours aussi cruciale. Image ou mirage ? Car les témoignages
recueillis ici ne sont pas exempts, parfois, d'une certaine désillusion. C'est
notamment le cas des magistrats entrés dans la carrière dans le dessein
de transformer de l'intérieur justice et société. Leur discours prend alors
la tournure d'un message à destination des plus jeunes, qui insiste
davantage sur les motifs pouvant conduire... à ne pas devenir magistrat.
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