
«Cette nuit-là, je commençai à pressentir que j'avais
été si longtemps, si complètement heureuse parce
que je n'avais cessé de vouloir que Maurice soit aussi
heureux que possible, rien d'autre. L'amour, c'était
juste ça : donner, sans penser à recevoir. Et moi qui
me lamentais maintenant sur mon bonheur perdu
sans songer à celui d'autrui, je risquais, une fois de
plus, d'exploser, d'éclater avec toute cette générosité
et cet amour inemployés pour cause de disparition de
la personne à laquelle je les réservais. [...] Pour ma
survie, j'avais tout intérêt à la nourrir, la ranimer, ma
générosité, avant de la disperser autour de moi, même
à la petite semaine, par petits morceaux, par-ci par-là,
sans rien attendre en retour, ce qui tombait bien
puisque j'avais tout eu et n'attendais plus rien de quiconque.
Pour la première fois, je découvrais un avantage
à mon malheur : quand on est au désespoir, que
rien de pire ne peut vous arriver, que diable risque-t-on
à se donner aux autres, sinon du meilleur ?»
Après la mort de son compagnon, une femme revient
à la vie à Venise.
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