
Parvenu au troisième âge et ayant le sentiment, sinon la conviction,
d'avoir vécu une dizaine d'existences, j'ai paraît-il réussi. La réussite
consiste-t-elle à atteindre ce que l'on cherchait, à gagner, à être le
meilleur dans sa spécialité, à avoir du succès dans un milieu social, une
profession ? C'est bien subjectif, et tout dépend de l'échelle de référence.
Je ne crois ni au mérite, ni à la volonté, ni à l'opprobre. Etant donné
que je nie le libre arbitre, considérant que nous sommes entraînés dès
la naissance par la compulsion du destin, tout ce qui résulte de cet
aboutissement ne peut obéir qu'à des forces mystérieuses dont nous
commençons à connaître la nature, mais auxquelles nous ne pouvons
pas nous soustraire. Ne pouvant entrer dans le système, refusant le
jeu de la soumission infamante, par sentimentalité excessive ignorant
l'écrasement de l'autre, j'ai voulu faire seul mon chemin. Je devrais
dire sans la solitude enrichissante, et non dans l'isolement régressif,
celui où vous précipitent ceux qui vous méprisent ou vous négligent.
Faire le Bien, m'a-t-on dit, c'est regarder vers Dieu en regardant les
autres. S'il m'arrive de le faire, je le dois à l'éducation que j'ai reçue, à
l'exemple paternel, à une bonne organisation génétique dont les détails
m'échappent, et puis au désir conscient, ou constant, vigilant, de ne
pas céder à l'horreur du regret et du remords. Mais il y a dans tout cela,
je le dis et le répète, beaucoup de chance, il n'y a entre le criminel et
l'honnête homme que l'épaisseur d'un papier timbré.
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