Depuis 1960, Clément Rosset creuse un même sillon philosophique : celui
de la déconstruction de l'ontologie au profit de l'affirmation de l'identité
de ce qui est et de ce qui existe. L'être et l'être-là se confondent dans le seul
concept de réel. Pourtant, face à ce réel toujours simple, univoque, cruel
et tragique, les Hommes inventent - avec les moyens conceptuels les plus
puissants - ou se construisent - avec les outils les plus banals - des doubles
rassurants et protecteurs : arrière-mondes, monde intelligible, vie après la
mort, Être derrière les Étants, mais aussi devoir-être derrière l'être, identité
profonde derrière l'identité sociale, visages derrière les masques, intentions
derrière les actions, ou tout simplement refus de voir ; presque l'essentiel de
la vie humaine consiste dans la création de doubles illusoires afin de nous
protéger de la simplicité du réel. La duplication est donc le mécanisme
protecteur essentiel face au tragique.
Dans sa lecture de Rosset, Stéphane Vinolo revient sur les fondements mais
aussi sur les conséquences ontologiques, psychologiques et politiques de
cette duplication, non seulement en la mettant en perspective dans l'histoire
de la philosophie, mais aussi en la questionnant de l'intérieur même
du texte afin de pointer un paradoxe auquel Rosset ne peut échapper. Si
l'on accepte de créer une anti-ontologie qui non seulement renverse mais
de plus annule la distinction entre l'être et l'être-là, il se pourrait bien que
nous soyons forcés d'affirmer, in fine, que paradoxalement il n'y a de réel
que les doubles.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.