Livre après livre, en un demi-siècle de pratique ininterrompue
de la poésie, Vahé Godel - homme errant dans l'entre-deux des
origines, des langues et des cultures, en quête d'une identité
incertaine et fuyante - semble avant tout préoccupé de lâcher du
lest : à Coupes sombres (1974) font ainsi écho, quarante ans plus tard,
Rien (ou presque) et ce dernier titre émouvant : Chut..., comme un
doigt posé sur la bouche.
On n'est pas impunément issu (même à demi) d'un peuple qui
manqua de disparaître de la carte, ni d'une mère arménienne qui
vécut la déportation. La question identitaire (qui suis-je ?..., ou
Qui parle ? que voyez-vous ? - titre d'un récit paru en 1982, auquel
succédera Ov : « qui ? », en arménien), mais aussi l'hybridité des
formes et le jeu avec la (les) langue(s) sont les signes particuliers de
cette écriture fragmentaire, en perpétuelle interrogation, traversée
dès l'origine par l'obsession de la mort et du vide.
À parcourir ce recueil qui juxtapose poèmes de jeunesse et
inédits récents, on est frappé à la fois de la disparité formelle
(bien qu'ici comme là, le poème se révèle profondément travaillé
par la répétition, au sens musical du terme) et de la constance
d'inspiration : familiarité du souterrain et des entrailles - mais aussi
quête de l'ouvert, du passage ; transgression des frontières ; hantise
de la trace et du moi, qui se démultiplie en il/je/tu alternés...
Et c'est comme si, des premiers poèmes aux derniers, les deux
extrémités d'une vie se serraient la main.
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