Entre 1932 et 1937, Ramuz publie ses derniers grands romans. Explorant tantôt le
contexte montagnard, tantôt le décor des rives du lac, la production de ces années
illustre de manière particulièrement éloquente la richesse et la variété de la palette
de l'écrivain.

Publié en 1932 au terme d'une genèse tourmentée, Adam et Eve est le roman d'un
désespoir ontologique dont l'inéluctabilité est d'autant plus frappante que, pour la
dire, Ramuz recourt à l'intertextualité biblique. Le texte radicalise le tableau de la
solitude humaine brossé auparavant dans des projets restés inédits, comme « Travail
dans les gravières » ou « Recherche de la vérité ». Le pessimisme de l'intrigue et
l'utilisation de la Bible y convergent, conférant au récit réaliste un sens symbolique
à valeur générale : Adam et Eve apparaît ainsi comme un point culminant de la
recherche esthétique de Ramuz.

Derborence, en 1934, est un roman à la fois poétique et populaire, qui conjugue
imagination et invention, lyrisme et intrigue palpitante, tragédie de la condition
humaine et dénouement heureux. Le succès du livre est retentissant, auprès du
public mais aussi de la critique ; aujourd'hui encore, cette histoire d'un berger ayant
survécu à un éboulement est perçue comme l'un des sommets de la production de
Ramuz.

Le Garçon savoyard, publié en 1936, est issu de plusieurs projets inaboutis
traversés par des motifs récurrents, dont celui de l'opposition entre la nature et
l'artifice. Il est centré sur le personnage de Joseph, dont la quête de la beauté
s'achève dans la mort ; la figure du lac accompagne et module l'intrigue, et c'est à
cette présence que le texte doit sa spécificité.

Dans le dernier roman évoquant la montagne et le Valais, Si le soleil ne revenait pas
(1937), le caractère anecdotique de l'histoire racontée, celle d'un village confronté
à la « disparition » du soleil pendant l'hiver, est placé au second plan, et mis au profit
d'un contenu d'ordre réflexif : la réalité ou la possibilité de la catastrophe servent
en premier lieu à l'exposition d'un certain nombre de constats touchant à la
condition humaine. En donnant à lire un récit valaisan ancré dans l'époque
contemporaine, Ramuz questionne à sa manière le statut de la modernité en tant
que dépassement des sociétés traditionnelles.

Ce volume contient Adam et Eve, Derborence, Le Garçon savoyard et Si le soleil ne
revenait pas ; l'édition d'Adam et Eve est complétée par deux documents. Le disque
qui l'accompagne comprend les quatre versions d'Adam et Eve (préoriginale dans
La NRF, 1932, 1933, 1941), les cinq versions de Derborence (1934, 1936 - chez
Grasset et à la Guilde du livre -, 1941, 1944), les quatre versions du Garçon
savoyard (préoriginale dans Vendredi, 1936, 193 7, 1941) et les cinq versions de Si
le soleil ne revenait pas (1937, 1938, 1939, 1940, 1941), qu'un logiciel permet de
comparer.