La fécondité en Dieu

Bibliothèque de la revue Thomiste

Études de théologie

La doctrine de la puissance notionnelle appartient à la catégorie des thèmes de la théologie trinitaire qui retiennent le moins l'attention. On la range rapidement parmi ces questions médiévales négligeables, datées et inutiles, dans lesquelles la scolastique aurait eu tendance à s'enliser, s'isolant ainsi du reste de la tradition chrétienne. À s'en tenir à des vues aussi expéditives, saint Thomas d'Aquin apparaît comme le plus coupable de ses contemporains car, sans lui accorder plus de place qu'elle ne mérite, nul autre ne s'est intéressé à la puissance notionnelle d'aussi près et à autant de reprises. Or, une étude minutieuse des textes de l'Aquinate, notamment de la Question 2 De Potentia qui est ici intégralement commentée, permet de dépasser une conclusion trop paresseuse. En premier lieu, si la doctrine de la puissance notionnelle est effectivement représentative des questionnements médiévaux sur la puissance divine, la portée que lui confère saint Thomas le conduit à retrouver et à approfondir les débats patristiques post-nicéens, notamment entre Grégoire de Nysse et Eunome. En second lieu, et c'est son apport le plus direct, la puissance notionnelle est la clé de l'élaboration d'une authentique doctrine de la fécondité divine. Ce travail d'élaboration s'avère aussi décisif, en troisième lieu, sur des points essentiels pour la théologie trinitaire : l'affirmation de productions réelles et immanentes en Dieu, la manière de signifier les processions divines, la découverte des concepts propres de génération et de spiration, l'accès à un véritable personnalisme trinitaire, l'articulation entre ordre essentiel et ordre personnel dans le discours trinitaire, ou encore l'appréhension du principe trinitaire de la Création. La théologie des perfections divines bénéficie elle aussi de la réflexion sur la puissance notionnelle, notamment en ce qui touche à l'actualité de l'esse divin et la Toute-puissance divine.