L'époque a le goût de la mort : mort de Dieu, mort de la
morale, mort de l'art, peut-être même mort de la civilisation et
de la planète... Cette tendance catastrophiste risque bien, non
de nous éclairer sur notre situation, mais de nous aveugler.
Nous finissons par ne plus distinguer les «paillettes d'or»
(Diderot) du présent. Cela est sans doute plus manifeste dans
les arts qu'ailleurs. Ce livre veut attirer l'attention sur la permanence
du pouvoir créateur humain, notamment à travers l'art
contemporain, pourtant si bafoué par de nouveaux prophètes
de malheur. La beauté n'a pas disparu pour qui sait la découvrir.
Elle a une dimension morale, car la beauté fait vivre et
respirer, instille le goût d'assumer son existence, donc de
vouloir la vie plutôt que rien. Elle a une dimension religieuse en
tant qu'elle fait signe vers plus grand, plus beau, plus vivant
qu'elle. La sécularisation de nos sociétés peut certes troubler
nos regards, nous rendant insensibles à ces dimensions de la
beauté. Il n'en reste pas moins que, pour quiconque entretient
en soi une vie culturelle et spirituelle, la beauté n'a pas cessé
d'être évocatrice, et donc d'inspirer le désir de vivre, par-delà
les «mille morts amères» qui parsèment nos vies.
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