Ce troisième volume de la correspondance de Nietzsche couvre la
période qui va de janvier 1875 à décembre 1879 : cinq années décisives,
intenses et douloureuses, marquées par la maladie, la découverte de
l'Italie, la rupture avec Wagner et la publication des aphorismes libérateurs
et lucides d'Humain, trop humain.
Pareille évolution aurait-elle été possible, cependant, sans la présence
de plus en plus marquée dans la vie de Nietzsche d'une maladie aux
causes obscures, mais sans cesse plus cruelle, qui oblige Nietzsche à
renoncer progressivement à son enseignement de la littérature grecque
à Bâle et à chercher sans relâche le climat le moins défavorable à sa
santé, dans une quête qui le conduira notamment dans l'Oberland et en
Engadine ? La découverte de l'Italie lors du séjour à Sorrente, grâce à
la sollicitude maternelle de Malwida von Meysenbug, dans l'hiver 1876-1877,
constitue une sorte de parenthèse lumineuse et amicale, riche
en lectures et en réflexions communes qui trouveront un écho dans les
notations d'Humain, trop humain. Mais cette période charnière est
dominée par les effets terribles de la rupture avec Wagner : si Nietzsche
analyse encore avec enthousiasme l'oeuvre et les projets du musicien dans
«Richard Wagner à Bayreuth» (1876), la dernière des Considérations
inactuelles, la déception que suscite le festival cette même année constitue
un des grands tournants de la vie et de la pensée de Nietzsche, désormais
penseur libre, indépendant, souverain. Mais aussi solitaire.
Quelques amis seulement l'entourent et le drame intellectuel de première
grandeur qui se déroule au fil de cette correspondance est d'autant
plus bouleversant que nous le voyons se jouer dans un tout petit cercle : le
fidèle Overbeck ; Paul Rée, le libre penseur ; le musicien Köselitz, «Peter
Gast» ; la douce et délicate Marie Baumgartner, sa première traductrice
; le distingué Carl von Gersdorff ; Malwida von Meysenbug, «l'idéaliste»
; Elisabeth Nietzsche, qui n'est encore à cette époque qu'une soeur
aimante qui songe au mariage pour elle et pour son frère.
Enrichie par des extraits des lettres de ses correspondants, la correspondance
de Nietzsche, arrachée le plus souvent à des moments de
terrible souffrance, brille pourtant de tout son talent de styliste ; plus
que jamais, même quand elle fait entendre une longue plainte, sa voix est
portée par une étrange énergie, l'expression d'une confiance : la conviction
d'être un penseur d'exception. Celui du «gai savoir» à venir.
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