Après avoir défriché l'histoire de l'inaptitude au travail, le Groupe d'Histoire
Travail et Santé (GHTS) prolonge son investigation historique de la santé au travail
en abordant la thématique du risque au travail. L'enjeu est de comprendre pourquoi le
risque professionnel demeure un fléau humain et financier et une source d'aggravation
des inégalités sociales dans les économies occidentales un siècle après les lois relatives
à la réparation des accidents du travail.
Les contributions présentées dans cet ouvrage donnent à voir les figures multiples
et souvent méconnues des métiers du risque ; tour à tour apparaissent inspecteurs
du travail, médecins d'usine, surintendantes d'usine, ingénieurs de sécurité,
psychotechniciens, médecins du travail, ergonomes..., autant de professions à la
culture et au positionnement différents, qui se concurrencent et qui s'entrechoquent
plus qu'elles ne coopèrent, jusqu'à ce que le droit communautaire les astreigne à
travailler ensemble dans la pluridisciplinarité.
L'observation se focalise sur les instances spécialisées dans la gestion du risque. À la
fois lieux de concertation et lieux de l'expertise, ces instances laissent voir le jeu des
acteurs, la volonté patronale de garder la main mise sur la sécurité, les outils qu'elles
produisent et des pratiques qui n'échappent pas à l'influence de l'environnement, aux
stéréotypes sociaux et à la logique longtemps dominante qui attribue 80 % des risques
au «facteur humain».
Enfin, en interrogeant les terrains des luttes sociales, les historiens revisitent l'idée
généralement admise d'un consentement des travailleurs au risque professionnel, voire
le goût de la prise de risque, leur prédilection pour la valorisation financière du risque
et pour la réparation aux dépens de la prévention. Peu visible, la revendication de la
sécurité au travail a souvent été minorée, minimisée, car elle s'exprime, semble-t-il,
à une échelle locale ou individuelle. Il faut attendre les années 1970 pour que des
mouvements sociaux et juridiques de type nouveau fassent du droit à la sécurité et à la
santé au travail un enjeu central des luttes et cherchent au-delà à redéfinir la place des
hommes et des femmes dans le système productif comme d'autres avaient tenté de le
faire au début du siècle face au défi du taylorisme.
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